Tableau de non variation

On a l'habitude d'étudier les variations des fonctions numériques et de construire leur tableau de variation.  Il est cependant souvent intéressant d'étudier ce qui ne varie pas : pour trouver un îlot de stabilité dans un monde où tout change si vite, mais aussi pour découvrir un moyen de démonstration mathématique.

Des dominos sur un échiquier


Couvrir un échiquier de 64 cases avec 32 dominos occupant chacun deux cases est très facile.

Mais qu'advient-il si on supprime les deux cases situées aux extrémités d'une des diagonales de l'échiquier ? Peut-on couvrir les 62 cases restantes avec 31 dominos ?

Quelques essais montrent rapidement que ce n'est pas facile et suggèrent même que cela ne doit pas être possible. Mais comment démontrer rigoureusement cette impossibilité ?

L'échiquier contient des cases blanches et des cases noires. A chaque fois que l'on pose un domino sur l'échiquier on couvre en même temps une case blanche et une case noire; la différence entre le nombre de cases blanches et le nombre de cases noires non couvertes ne change donc pas. Poser un domino sur l'échiquier diminue le nombre de cases non couvertes de deux unités et provoque donc un changement, mais au cours de ce changement la différence entre le nombre de cases blanches et le nombre de cases noires non couvertes n'a pas varié, on dit qu'elle constitue un invariant. Nous pouvons utiliser cet invariant pour montrer que l'échiquier privé des deux cases situées aux extrémités d'une diagonale ne peut pas être entièrement couvert par des dominos. 

L'échiquier entier contient 64 cases, 32 blanches et 32 noires. En enlevant deux cases situées aux extrémités d'une diagonale on enlève deux cases d'une même couleur, on se trouve donc en présence de 32 cases blanches et 30 cases noires ou de 30 cases blanches et 32 cases noires. Dans les deux cas la différence entre le nombre de cases blanches et le nombre de cases noires est égale à 2. Comme en posant des dominos on ne modifie pas cette différence, on ne pourra pas couvrir toutes les cases puisque cela signifierait que la différence entre le nombre de cases blanches et le nombre de cases noires non couvertes a été ramenée à 0.

On a donc démontrer une impossibilité en utilisant un invariant et l'idée toute simple qu'un invariant ne peut pas varier.

Revenons à l'échiquier complet de 64 cases. La différence entre le nombre de cases blanches et le nombre de cases noires est égale à 0. Recouvrir l'échiquier avec des dominos n'est donc pas en contradiction avec cette situation, mais cela ne signifie pas qu'on soit alors certain que cela soit possible. Il peut, par exemple, exister d'autres invariants qui entrainent un nouveau type d'impossibilité. La façon la plus simple de montrer que le recouvrement est possible consiste à en exhiber un. On peut remplir facilement une ligne avec 4 dominos, et reproduire la même méthode pour les autres lignes.

Premier problème

Dans une classe, il y a 5 rangées et 5 pupitres par rangées. Le maître demande à chacun de ses élèves de changer de place en prenant soit la place de devant ou derrière lui, soit celle à sa droite ou à sa gauche. Déterminer si cet ordre peut être exécuté ou non.

Généraliser au cas de n rangées de p pupitres par rangées.

Deuxième problème

On écrit sur un tableau les nombres 1, 2, . . . , n. On fait l’opération suivante :

on choisit deux nombres du tableau, on les efface et on écrit sur le tableau leur différence (le plus grand moins le plus petit). On répète cette opération jusqu'à ce qu'il reste un seul nombre sur le tableau. On se demande si ce nombre peut être 2.

(a) Démontrer que c’est possible si n = 8.

(b) Démontrer que c’est impossible si n = 9.

(c) Que peut-on dire si n = 100 ? Et si n = 2006 ?

Sources :

- "Les mathématiques par les problèmes" de M. Akkar, M-T. Akkar, A. I. El Mossadeq, problème 1505 page 19.

- Problème de préparation aux Olympiades Académiques proposé par Mr Tibar (voir ici)